Bonjour,

Ce lundi est une journée exceptionnelle. Dès 9 heures le chantier de la GS grouille déjà d’ouvriers. Les maçons de l’architecte Rheeman s’activent aux fondations de l’aile droite du bâtiment. Le granit nécessaire aux bordures des sols vient d’Andhra Pradesh, les ouvriers qui le coupent et qui le posent viennent également de cette région, ils parlent hindi mais ils se débrouillent pour communiquer. Les plombiers viennent de Salem, et les carreleurs de leur Chetti nadu profond. Le long des corridors des paquets de meubles encore emballés venus la veille du Rajasthan. Leur camion artistiquement décoré dans le style Marvari s’apprête à repartir avec ses deux chauffeurs. Ils ont mis 5 jours pour traverser l’Inde de part en part. Un deuxième camion est attendu dans la journée. Les menuisiers sont eux aussi au travail. L’un d’eux insiste auprès du manager Annamalai pour faire accepter son épouse comme femme de ménage. Les portes et fenêtres ont été préparées en atelier, elles arrivent au fur et à mesure. Les peintres terminent une classe pour que l’architecte donne le feu vert pour l’ensemble. Les couleurs à l’essai sont moins sérieuses que dans les écoles du Gouvernement. Pour assortir au carrelage qui est rouge le bas des murs est rose foncé ; le haut rose très pâle et le plafond blanc, comme il se doit. Les portes, fenêtres et volets quant à eux seront peints dans un ton légèrement mauve…

Mais le chantier est en train de se colorer d’une toute autre manière…

En effet c’est le jour des admissions pour les futurs élèves. C’est aujourd’hui que les candidatures sont acceptées. Les parents (les mamans surtout) entrent timidement dans l’école par la barrière provisoire en tôle ondulée. Le gardien en uniforme fait déjà son travail et les guide vers le bureau aménagé dans une classe. Les enfants tout propres ont une figure sérieuse. Tout le petit monde se regroupe dans la classe-bureau où les 6 institutrices les attendent. L’atmosphère se détend lentement. Annamalai et moi nous déballons quelques bancs fraîchement arrivés pour que tous puissent s’installer. Pourquoi ces murmures étonnés… ? Parce que ces simples bancs sont déjà un luxe pour les enfants qui s’attendaient à s’asseoir par terre. Ils les touchent respectueusement et échangent entre eux des commentaires inaudibles…

Les mamans paient l’inscription annuelle : 100 roupies, un euro cinquante. Pour beaucoup c’est déjà un sacrifice, à l’école gouvernementale il ne faut rien payer du tout. Les questions viennent. Les institutrices rassurent : oui les enfants recevront trois sets d’uniforme, un T.shirt, une paire de sandales. Oui tous les livres, cahiers, cartables et petits matériels seront gratuits. Oui il n’y aura que 24 élèves par classe. Oui les repas et snacks seront offerts à tous. L’étonnement est palpable. Est-ce vraiment possible, pour eux qui sont parmi les plus pauvres ? Une mère prend la parole avec courage. « Madame, je dois être certaine. Je ne pourrai pas payer pendant l’année et je ne voudrais pas que mon enfant en souffre. J’ai deux autres petits et mon mari est coolie, je voudrais vraiment être sûre ». Les autres mères hochent la tête en guise d’approbation. Les figures se tournent naturellement vers moi. Dans mon Tamil rudimentaire je leur explique le fonctionnement de Mala et notre engagement à long terme. Pour délier un peu les langues je demande à chaque élève son nom et dans quelle classe il va entrer. Le contact passe bien. Les sourires viennent. Comme le tailleur se fait attendre on propose à tous une visite guidée de l’école, ils n’en connaissent encore que la vue extérieure et cette pièce…

Attention, les enfants devront donner la main aux adultes, le chantier est dangereux ! On passe tout en revue, de gauche à droite et de bas en haut. Les yeux vont partout et enregistrent tout. Annamalai traduit mon Tamil …enTamil.

Le tailleur est arrivé. Une institutrice note au fur et à mesure les mensurations de chaque enfant. Elle devra faire de même pour ceux qui seront admis dans les jours qui viennent. Je transmets la demande de Diane quant aux poches bordées des jupettes, c’est bien enregistré, elles les auront.

Au fur et à mesure les parents et les futurs élèves rentrent chez eux. Un petit essaie de retenir sa mère pour rester encore un peu… Les sourires et les « thanks Sir » en disent long, on va en parler, dans les chaumières de Kombakkam… Rendez-vous le 15 à la rentrée, les enfants…


Vers la fin de l’après-midi le deuxième camion du Rajasthan est là. Il fait marche arrière comme il peut entre les tas de sable et de gravier. « Namaskaar, bhaia », bonjour frère… Le contre maître du chantier fait venir tous les travailleurs, hommes et femmes, pour que le déchargement soit rapide, le ciel se charge de nuages noirs…

50 minutes plus tard le camion est vide. Les premières gouttes tombent mais tout est à l’abri. Un quart d’heure après c’est la toute première pluie tropicale de mousson. Intense, tiède, ruisselante, applaudie. Elle ne pouvait pas mieux tomber qu’aujourd’hui, exactement le jour de l’admission des élèves !

« Auspicious rain, Master, auspicious rain ! »… plus que 9 fois dormir et la Gandhiji School sera réalité !

Le chantier :

L’accueil des futurs élèves :